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Prévoir des chaufferies biomasse à Toulouse en 2024 est indéfendable

Suite à la réunion publique du 13 mars, les riverains du site prévu pour l'implantation d'un projet de chaufferie biomasse à la Cépière se sont appliqués à produire un compte rendu de la réunion pour pointer les incohérences et approximations du projet présenté.

Ils ont étayé leurs arguments à partir de sources difficilement contestables (DREAL, Secrétariat Général de La Planification Écologique, ou encore déclarations des président et vice-président de Toulouse Métropole) pour bien appuyer sur le fait que leurs inquiétudes sont fondées, concrètes et légitimes, et ne peuvent être ignorées.

L'ensemble est organisé en trois chapitres : pollution, ressources en bois et cohérence globale du projet de développement du Réseau de Chaleur Urbain (RCU) du Mirail.

Chaque chapitre se conclut sur une liste de documents à produire pour assurer une information claire et complète de la population... qui ne pourrait qu'aboutir à un rejet sans appel du projet !

Comptes rendus de la réunion du 13 mars 2024

Compte-rendu produit par les riverains envoyé à la mairie le 26 mars - PDF 447ko

Compte-rendu réalisé par Toulouse Métropole et transmis à certains riverains le 12 avril - PDF 771ko

La pollution de l'air

La document de présentation de la mairie se borne à annoncer qu'il n'y a pas de problème en s'appuyant sur des affirmations prêtées à l'ADEME, pas très crédible vu que son rôle est de promouvoir la biomasse comme le confirme François Chollet, vice-président de Toulouse Métropole, lors des rencontes internationales Air & Santé (voir plus bas sur cette page). La légèreté de l'information donnée aux riverains étonne d'autant plus que le sujet n'est ni neuf ni confidentiel.

Particules fines et ultra-fines, un sujet de préoccupation bien connu des élus de la Métropole

Jean-Luc Moudenc avait pourtant bien noté qu'il fallait regarder de plus près

C'était il y a un peu plus d'un an à peine à propos de la chaufferie biomasse de la ZAC Matabiau.

Déclaration de Jean-Luc Moudenc - Conseil Métropolitain du 16/02/23

« [...] nous avons bien noté qu'au-delà des particules fines, il fallait regarder plus spécialement les particules ultra-fines qui est un sujet qui aujourd'hui prend une grande ampleur dans tous les débats sur ce thème là dans notre société. [...] »

François Chollet a lancé un appel pour clarifier les choses...

Intervention de François Chollet - Rencontres Internationales Air & Santé 2024

« [...] Il faut accroitre la connaissance sur les particules ultrafines. Toulouse investit dans la biomasse. Nous sommes en train d’installer des centrales à biomasse de forte capacité sur Toulouse-Métropole. Nous avons développé des réseaux de chaleur…alimentés par une centrale de combustion d’ordures ménagères mais qui est supplémentée par des centrales à biomasse. Et ce soir quand je vais vous quitter je vais aller dans une réunion publique défendre l’installation d’une centrale biomasse ! C’est quelque chose de compliqué… Ce que j’entends ici, assez clairement de la part des scientifiques et des spécialistes qui sont là, c’est que cette affaire n’est pas neutre et n’est pas réglée. Ce n’est pas faute d’avoir stimulée l’ADEME… qui est en faveur de la biomasse. L’appel que je lance aujourd’hui c’est « clarifions les choses ». Le compte rendu que vous m’avez fait passer n’est pas ce que je vais défendre ce soir (à la réunion publique). Il y a urgence de clarifier les choses pour les centrales à biomasse que nous développons… Il y a une ambiguïté qui est totale sur la biomasse. [...]»

* il fait référence à la commission de quartier qui présentait le projet d'installer la chaufferie biomasse de la ZAC Matabiau sur le chemin Gramont et qui se déroulait le même jour. Notez qu'il n'a pas pris la parole ce soir là et qu'il n'était pas présent à la réunion publique qui a suivi pour défendre le projet...

Rencontres Internationales Air & Santé 2024

La rencontre autour du thème "Black carbon et particules ultrafines : surveillance, recherches et impact santé" à laquelle participait François Chollet peut être visionnée sur la chaîne Youtube de l'ATMO Occitanie. Quelques extraits choisis :

Bien sûr, il faut faire de la recherche, bien sûr il faut améliorer la suveillance mais, de mon point de vue, en tant que professionnel de santé publique, je pense, comme ça a été dit ce matin, qu'on en sait suffisamment aujourd'hui pour agir et qu'on n'est pas obligé d'attendre encore 25 ans ou 20 ans de recherche pour prendre des décisions en terme de réduction des émissions et de protection de la population.  [...]

L'agence a recommandé de renforcer la surveillance des particules ultrafines et carbones suie depuis 2019 pour compléter et pérenniser l'acquisition de données dans l'air ambiant mais aussi de les considérer dès à présent comme priorité des politiques publiques dans le cadre de la surveillance mais aussi de la réduction des émissions donc aujourd'hui on a des arguments pour déjà agir et réduire les émissions polluantes mais ça je suis pas la première à le dire [...]

[...] il y a eu une modélisation d'une centrale biomasse dans la vallée de Chamonix qui est une petite centrale biomasse qui montre qu'avec les techniques de filtration actuelles vous allez avoir plus de rejets de poussières plus de rejets d'oxydes d'azote plus de rejets de HAP [...] cancérigène donc l'ADEME favorise inlassablement les centrales biomasse et comme nous leur disons pas n'importe où, pas n'importe comment, notamment dans les zones de plan de protection de l'atmosphère puisque c'est assez incohérent hors l'information passe mal ... donc message aux élus regardez cette étude sur une petite centrale 1.5MW et ne vous lancez pas dans une zone à risque dans ça [...]

Président Association Santé Environnement France (ASEF) et cardiologue Pierre SOUVET

Plan de Protection de l'Atmosphère (PPA)

L'agglomération toulousaine bénéficie d'un Plan de Protection de l'Atmosphère depuis 2006. En novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne annonce une nouvelle révision du PPA pour accélérer la dynamique d’abaissement des niveaux de pollution, en particulier à proximité des axes routiers.

Qu'est-ce qu'un PPA ?

Suite à l’arrêt du Conseil d’État du 12 juillet 2017 enjoignant l’État de mener des actions fortes pour améliorer la qualité de l’air, le Ministre de la transition écologique et solidaire a demandé aux préfets de 14 zones concernées par des dépassements de seuils de pollution de l’air, d’élaborer – en lien avec les collectivités locales, les entreprises et les associations – des feuilles de route opérationnelles et multi-partenariales, afin d’enregistrer rapidement des progrès en matière de lutte contre la pollution atmosphérique.

En Occitanie, deux zones sont concernées par cette décision, pour non respect des seuils réglementaires du dioxyde d’azote (NO2) : Toulouse et Montpellier.

Issues d’une volonté commune et résultat d’une œuvre collective, les feuilles de route en faveur de la qualité de l’air, capitalisent et renforcent les efforts déjà entrepris, notamment à travers les plans de protection de l’atmosphère. Elles regroupent l’ensemble des actions concrètes de court terme, permettant d’enregistrer des progrès et d’aller plus vite et plus loin dans l’amélioration de la qualité de l’air.

Un webinaire d’information sur la qualité de l’air sur l’agglomération toulousaine, ses enjeux et les leviers pour agir a eu lieu le 23 novembre 2022. Organisé par la DREAL Occitanie, avec la participation d’Atmo Occitanie, de l’ARS et de France Nature Environnement Midi Pyrénées, il balaye les principaux sujets concernant la pollution atmosphérique, la révision du PPA et l’engagement citoyen. Ci-dessous deux planches extraites du diaporama présentés à cette occasion qui, une fois de plus, viennent contredire les informations avancées par Toulouse Métropole pour défendre ses projets de chaufferie biomasse.

Bref, pour résumer : en continuant à promouvoir la biomasse sans discernement, l'ADEME s'oppose aux appels sans équivoque des chercheurs et met les élus dans des positions disons inconfortables comme en témoigne François Chollet.

Les ressources en bois

Second point d'inquiétude à propos des chaufferies biomasse, la question de la ressource en bois et de la pertinence d'exploiter les forêts pour fournir du combustible. Il y a encore un an, il nous fallait de longs raisonnements pour étayer nos craintes. Aujourd'hui, c'est le ministère de l'écologie qui se pose la question avec le constat que la stratégie de réduction des émissions de CO2 de la France, avec la biomasse, "ça boucle pas" !

Qu'est-ce que la stratégie nationale bas carbone de la France (SNBC) ?

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable. Elle définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050 et fixe des objectifs à court-moyen termes : les budgets carbone. Elle a deux ambitions : atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et réduire l’empreinte carbone de la consommation des Français.

SNBC 3, vers une réorientation des usages de la biomasse...

La révision de la SNBC (SNBC 3) attendue pour 2024

La révision de la SNBC qui devait être publiée fin 2023/début 2024 se fait toujours attendre. Pour cause, le secrétariat général de planification écologique ne parvient pas à trouver un modèle qui boucle à cause précisément de la question de l'utilisation de la ressource en biomasse !

Globalement la stratégie française Énergie-Climat mise beaucoup sur l'exploitation forestière pour réduire les émissions de CO2. Hors l'équilibre forestier est déjà fragilisé par le réchauffement climatique et les perspectives de production vertueuses, celles qui permettent de stocker le CO2 (bois d'oeuvre à durée de vie longue) sont bien trop réduites au regard de l'explosion de la demande pour le bois-energie, les bio-carburants etc. À ce stade, les projections montrent qu'il serait plus intéressant de préserver la fonction de puit de carbone de la forêt que de l'utiliser pour se substituer aux énergies fossiles.

  • Une première modélisation (run 1) réalisée d'après les conclusions des groupes de travail de la stratégie française énergie-climat, se basait sur l'hypothèse d'une augmentation constante des prélèvements en forêt jusqu'en 2050, ça ne boucle pas !
  • La deuxième modélisation (run 2) s'est basée sur une stabilisation des prélèvements dès 2030 mais là non plus ça ne boucle toujours pas (2030, c'est dans 6 ans, les installations prévues par Toulouse Métropole s'amortissent sur minimum 20 ans),

Pour "boucler" le scénario, il reste deux stratégies possibles :

  • renoncer à l'intensification de l'exploitation forestière (peu de chance que le Ministère de l'Agriculture valide !)
  • réorienter la biomasse forestières vers des usages durables. Exemple emblématique (peu apprécié des énergéticiens) : la matière utilisée en combustible pour les chaufferies biomasse peut être utilisée de façon plus vertueuse pour produire des isolants à base de bois avec deux avantages considérables : prolonger la vie de la matière et donc le stockage de carbone + limiter les besoins d'énergie des bâtiments.

Dans les deux cas, peu de chance que le fait de parcourir 200km pour finir par se faire brûler soit considéré très longtemps comme un sort acceptable pour cette précieuse ressource. Les chaufferies prévues à Toulouse n'auraient alors plus que deux options pour assurer leur fonction : le gaz et les déchets = l'abandon des objectifs du PCAET et/ou une dégradation de la qualité de l'air aggravée par la diversité des polluants que l'on peut retrouver dans ce type de combustible (le déchet propre c'est comme la combustion sans émission ou la fumée sans feu, ça n'existe pas !)

Que faire en attendant la publication de la SNBC 3 ?

La vraie question serait plutôt : pourquoi attendre ? Toutes les publications actuelles préconisent déjà de privilégier, à chaque fois que c'est possible, les alternatives à le biomasse. Et justement à Toulouse :

  • Il faut faire 200km pour trouver du bois 
    Les discussions à propos des approvisionnements de la future chaufferie de la ZAC Matabiau ont permis de montrer qu'il est déjà impossible pour cette chaufferie de s'approvisionner à 100% en bois issu de forêts gérées durablement dans un rayon de 200km. Partant de là, il n'y a pas besoin d'argumenter davantage à ce sujet, on ne comprend pas comment Toulouse Métropole a pu envisager d'installer de nouvelles chaufferies après ce constat,
  • On a un grand potentiel de géothermie 
    Les sondages de géothermie réalisés cet été à Toulouse ont permis de révéler la présence d'une ressource abondante et accessible, , (qui va permettre de couvrir 80% du besoin de production de chaleur du projet de réseau de chaleur Matabiau Quais d'Oc comme l'a indiqué M. Trautmann à l'occasion du premier comité de suivi le 5 mars 2023 (dont nous attendons toujours le compte rendu de la métropole),
  • Il y a des aides pour accélérer le développement de la geothermie, avec notamment la couverture par l'État des coûts de forage. 
    Le Plan d'action pour développer la géothermie lancé en 2023 par le Ministère de la Transition Énergétique prévoit des possibilités d'accompagnement et de financement pour les collectivités.

Le projet d'extension du réseau de chaleur du Mirail

La consultation sur les projets de chaufferies biomasse semble dictée par la décision de reconstruire un incinérateur de déchets de grande capacité et de le consacrer comme source principale du RCU du Mirail. La présentation de Toulouse Métropole ne livre aucune information sur l'état actuel du RCU (état des réseaux, qualité thermique des bâtiments raccordés, système d'individualisation des frais de chauffage, etc.) ni sur les projets d'extension (projets de raccordements, contraintes de performance énergétique imposées aux nouveaux abonnés, etc.), ni sur les incohérences entre le projet et ce qu'on peut lire dans le bilan de la concertation préalable sur l'incinérateur du Mirail (notamment le fait que le maître d'ouvrage justifie de continuer de brûler les déchets des départements voisins sous le prétexte d'éviter d'avoir à investir dans des chaufferies biomasse en appoint).

Il semble évident que la question du Réseau de Chaleur aurait du être posée en préalable pour permettre aux toulousains de contribuer au projet global qui aurait permis de se saisir des enjeux majeurs que sont la réduction des déchets, la décarbonation de l'énergie ou encore la lutte contre l'effet d'ilôt de chaleur urbain.

L'organisation d'une concertation pour l'incinérateur puis à l'issue de celle-ci d'une consultation pour des projets de chaufferies supplémentaires met les citoyens en posture de spectateurs de décisions présentées comme inéluctables.

Vous trouverez plus d'infos à ce sujet dans le document envoyé par les riverains de La Cépière à Toulouse Métropole.

Nous nous interrogeons aussi sur l'opportunité de saisir la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) désignée comme garante de la concertation à propos de l'incinérateur du Mirail.

Si vous pensez pouvoir être utile sur ces sujets, n'hésitez pas à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. !

Restaurer la confiance ?

Le document produit par les riverains liste pour chaque chapitre les études et précisions qui auraient du être produits par Toulouse Métropole pour pouvoir prétendre à une information claire et complète des citoyens. Information qui aurait forcément suscité un rejet massif du projet mais aurait aussi pu, dans l'idéal, pousser Toulouse Métropole à renoncer à ce projet avant de le présenter au public...

"Les gens s'inquiètent pour rien"

Un élu toulousain

Les toulousains réduits à produire et financer leurs propres études sur la question des pollutions

Il faut ajouter que la défiance des toulousains vis à vis des projets d'installations industrielles se nourrit de trop nombreux exemples de négation des nuisances et de mépris pour les inquiétudes légitimes (et finalement avérées par les faits) des riverains. Pour n'en retenir que deux, parce qu'elles sont d'actualités et que la municipalité a la possibilité de s'en saisir :

L'incinérateur du Mirail

La négation du caractère polluant de l'incinérateur du Mirail est emblématique : 40 ans de questions sans réponse, rapport de zéro waste, épisode de neige industrielle... mais tout va bien, on vous dit que tout va bien !

Récemment les riverains ont décidé de financer eux-mêmes l'analyse d'oeufs de poules (inspirés par l'étude menée par l'ARS Île-de-France).

Bilan sans surprise : les oeufs sont jugés impropres à la consommation. Les résultats ont été transmis à la Mairie, à la préfecture et à l'ARS Occitanie. En l'absence de retours de la collectivité et des pouvoirs publics, c'est par voie de presse que les riverains ont fait connaître les résultats : À Toulouse, les sols pollués par un incinérateur au Mirail ?

L'usine STCM

Du côté des Minimes, la situation est à peu près la même. Depuis l'installation de l'usine STCM jusqu'à son démantelement en 2020, les inquiétudes des riverains ont été écartées : vous vous inquiétez pour rien, les filtres c'est super, etc. Il faudra attendre que l'usine ferme pour que soit révélée une pollution au plomb tellement importante qu'elle a nécessité la mise en place d'un suivi sanitaire pour 12000 riverains... 12000 ! De toute évidence, les émissions polluantes ne se concentrent pas au pied de l'usine !

Aujourd'hui les riverains et le comité de quartier continuent de se battre pour que cette pollution soit traitée correctement. Comme les habitants de Saint-Simon, face à l'inertie des pouvoirs publics, ils en viennent à produire et payer de leur poche des analyses des sols : Pollution au plomb : à Toulouse, les riverains d’une ancienne usine mènent leurs propres mesures.

Forcément dans ce contexte, et vu la légéreté de l'information préalable, les promesses d'assurer une surveillance régulière et une transparence totale, via des comités de suivi dont on connait aussi les limites, peinent à convaincre et rassurer...

Bref, mieux vaut prévenir que guérir ! C'est maintenant qu'il faut agir !

Toulouse Métropole a mis en place une adresse email pour envoyer vos questions : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

En parallèle, on ne le répètera jamais assez : les élus, tous les élus, sont là pour vous représenter. Vous êtes parfaitement légitime à leur écrire pour les informer du projet et de votre point de vue sur la situation et leur demander d'intervenir. Leurs coordonnées sont disponibles sur le site de Toulouse / Toulouse Métropole pour vous permettre de les interpeller directement (dans une démarche constructive, ça va de soi) !

Besoin d'inspiration ? Consultez les courriers et réflexions des riverains du projet de chaufferie de La Cépière.